AMMAN - Les politiques de mobilité durable : vecteurs de promotion urbaine et outils de gouvernement contestés

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Amman - Jordanie
Pays Jordanie
Situation géographique  31° 57′ 14″ nord, 35° 56′ 08″ est
Maire ou élu Dr. Yousef Shawarbeh
Superficie (km2) 1 680
Population (Année de référence) 3 216 369 hab. (2010)
Activités économiques Tourisme, Industries
Adresse et coordonnées de la mairie Site Internet Amman : ammancity.gov.jo

Présentation générale du cas

Capitale macrocéphale regroupant près de la moitié de la population de la Jordanie, la municipalité d’Amman (Greater Amman Municipality ou GAM) a connu une croissance exponentielle suite à l’arrivée massive de réfugiés palestiniens, irakiens puis syriens depuis 1948. Dans les années 2000, suite à l’assassinat du Premier Ministre libanais Rafiq Hariri, la ville bénéficie d’un report des investissements notamment venus du Golfe, source d’importants flux de capitaux, occasionnant un boom de l’immobilier sans précédent (Ababsa, 2013).

Contexte et justification

Dans ce contexte, le GAM entreprend avec l’appui de partenaires internationaux une importante réflexion sur sa gestion urbaine, laquelle met fortement l’accent sur la durabilité. En 2004, la municipalité reçoit le soutien de la Banque Mondiale pour élaborer une « Citywide strategy » en partenariat avec l’Arab Urban Development Institute (AUDI) situé à Riyad, et l’Agence Française de Développement (AFD). Cette stratégie, renforcée notamment par le programme des NationsUnies Cities Alliance, a pour but de promouvoir la capitale jordanienne comme cité pilote en termes de développement urbain durable à l’échelle de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (Verdeil, 2011). Elle est complétée en 2006 par la décision royale d’apporter au GAM un schéma directeur d’urbanisme censé planifier le développement urbain à l’horizon 2025 et hisser la capitale au rang des grandes métropoles internationales. Il s’agit notamment de créer un terrain propice au développement économique et à l’attraction des investissements étrangers dans une période de forte croissance, supposée pérenne. Pour cela, le Roi nomme un nouveau maire, Omar Maani qui a pour consigne « d’inviter des experts du monde entier », et de créer un exemple qui pourrait par la suite être répliqué dans d’autres villes jordaniennes (ibid).

L’expansion urbaine d’Amman (1946 - 1985)

Problématique de la durabilité urbaine

M. Maani sollicite ainsi trois cabinets d’architecture et d’urbanisme de Toronto dont certains membres effectueront des missions de plusieurs mois à Amman et il crée un thinktank au service de la municipalité l’Amman Institute (AI) […]La cinquantaine de membres de l’Amman Institute et les urbanistes canadiens ont travaillé de concert au sein d’une structure nommée Program Management Unit (Khirfan, 2011), partageant ainsi leurs savoirs et visions de la ville dans des processus d’apprentissage à double sens (ibid). Le Master Plan qui en découle reçoit en 2007 le World Leadership Award in Town Planning, décerné par le World Leadership Forum (ibid).

La mobilité durable comme stratégie de promotion urbaine à l’heure des villes en réseau De la ville insoutenable à la mobilité durable

Que retenir de cette entreprise de grande ampleur portée par la municipalité ? Amman, alors en forte croissance économique et démographique cherche à se placer sur le terrain des villes compétitives et tend à faire jouer un avantage comparatif important dans la région : une forte stabilité politique propice au développement économique, principalement tertiaire. La municipalité tend alors à promouvoir son image à l’international en valorisant une forme d’excellence urbanistique basée sur des savoir-faire transnationaux et la mobilisation des principes du développement urbain durable […].

Les stations de bus sont également des outils de design urbain.

Orientations stratégiques

Il va sans dire que l’image d’une ville de plus en plus congestionnée, polluée, parfois dangereuse au regard de la sécurité routière, et aux conditions de trajets difficiles s’accorde mal avec les objectifs de métropole compétitive, attractive, moderne, promue par les urbanistes de Toronto et de l’Amman Institute. En janvier 2014, le magazine d’affaires Venture publie un article intitulé « city of inconvenience » en écho à l’étude annuelle de l’Economist Intelligence Unit (EIU) sur la qualité de vie urbaine qui place Amman en 103e position dans un classement de 140 villes. Tout un paragraphe de l’article est consacré aux externalités négatives produites par les conditions déplorables de mobilité. En réponse, de grands projets d’amélioration des transports publics se mettent en place qui s’inscrivent dans un plan plus vaste de croissance verte pour la capitale. Ils mobilisent des réseaux d’expertise internationaux, des « bonnes pratiques » en termes de mobilité durable et font l’objet d’une importante promotion marketing.

En 2007, dans le cadre de l’élaboration du schéma directeur d’urbanisme d’Amman, la municipalité acquiert par décret royal la compétence en matière de gestion des transports publics urbains, auparavant détenue au niveau national. Un département de gestion du trafic et du transport public dont la direction est confiée à un expert jordanien tout juste rentré des Etats-Unis où il avait fait sa thèse de doctorat et travaillé durant vingt ans est alors créé avec le projet d’investir un milliard de dollars dans le transport sur les cinq prochaines années (Khirfan, 2011). Le plan de déplacement mis en place par la municipalité.

Répartition des financements du GEF liés au transport

Domaines prioritaires et axes stratégiques

  • Le BRT, un outil prisé et stratégique en provenance des pays du Sud

Largement promu par la Banque Mondiale notamment, le BRT (Bus Rapid Transit)est également un outil très prisé dans le cadre de projets de réduction des gaz à effet de serre qui associent les collectivités locales à des agences environnementales supranationales. C’est notamment le cas du Global Environnement Facility, mécanisme financier de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (UNFCCC) qui crée en 2000 le programme intitulé « Promoting Environmentally Sustainable Transport ». Il se focalise principalement sur les solutions technologiques bien qu'un outil complémentaire ait été créé en 2006 pour soutenir des mesures plus soft comme la planification (Bakker et Huizenga, 2010). Le recours au BRT est ainsi un bon moyen d’obtenir des fonds climats et des prêts internationaux. Ainsi, l’Agence Française de Développement, qui a par ailleurs apporté son soutien à la création d’un plan de déplacement urbain pour la capitale paru en 2010, a accordé un prêt de 166 millions de dollars à la municipalité d’Amman pour la réalisation d’une première phase de BRT à partir de cette même année.

Amman, qui souhaite adopter un positionnement fort en termes de durabilité urbaine entend largement mobiliser l’outil BRT dans le cadre de son plan de croissance verte, l’Amman Green Growth Program, élaboré par l’Amman Institute en partenariat notamment avec l’unité de la finance carbone de la Banque Mondiale. Ce plan traite de domaines variés de la gestion municipale.

Analyse approfondie du cas sous étude en articulation avec la problématique de la durabilité urbaine

Les réseaux locaux de la ville durable dont l’eau, l’énergie, la gestion des déchets, la nature en ville avec la réduction des ilots de chaleurs et les transports et propose des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, améliorer la qualité de l’air, etc. Il s’inscrit dans la démarche du schéma directeur d’Amman et poursuit les mêmes objectifs de renouvellement de la gestion urbaine et de mise en visibilité de la capitale. La mise en place de BRT doit ainsi conduire à une réduction de 6,6 milles tonnes de CO2 par an, et une réduction totale 280 tonnes d'ici les 30 prochaines années.

Cette stratégie de croissance verte porte également ses fruits en termes de communication internationale : un article publié en 2012 par U.S. Green Building Council (usgbc.org, janvier 2012), encourage les villes américaines à prendre exemple sur Amman ; le NewYork Times titre en 2010 « Sidewalks and an identity sprout in Jordan’s capital ». Elle permet également à Amman de s’insérer dans des réseaux de villes prestigieux, tels que le C40, réseau de métropoles issu d'une démarche entreprise en 2005 par le maire de Londres et relayée par ses homologues de Toronto et de NewYork et dont le but est de « s'emparer de la question du changement climatique en développant des politiques et programmes générant des réductions mesurables du gaz à effet de serre et du risque climatique » (C40.org). Amman fait partie de son comité de pilotage ainsi que du réseau « 100 Resilient Cities » parrainé par le Rockfeller Institute. Ce qui lui permet ainsi de s’insérer dans les réseaux de la résilience, notion à la mode qui s’opérationnalise et fédère, non sans récupérations dangereuses.

Leçons apprises et recommandations

[…]Les cinq dernières années ont donc été une période d’ajustements constants entre la volonté de planification d’une urbanité conforme aux bonnes pratiques internationales et la réalité du terrain, entre un idéal de bonne gestion et les pratiques sociales et spatiales de la population. Outil de promotion urbaine et de mise en réseau de la capitale d’une part, moyen de captation de financements internationaux dans le cadre de projets verts d’autre part, la mobilisation du développement urbain durable est également un moyen d’autonomisation de la capitale et de normalisation des pratiques urbaines des populations qui ne sont pas dupes à ce sujet. Il y a donc plusieurs niveaux d’enjeux pour la construction de ce nouveau modèle de gestion urbaine.

Références

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